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C'EST VRAI ...

Sujet :

Anciens marins - Joli texte

Date :

Fri, 22 Jun 2018 17:57:07 +0200

 

 

 

 

 

 

   Honneurs aux anciens(nes) marins (ettes) de "la Royale"

 "La Marine a passé ses quarante dernières années à moderniser sa flotte et, dans le même temps, à dégraisser son personnel ; c’est normal, me direz-vous, l’un ne va pas sans l’autre. Les bateaux d’aujourd’hui, merveilles de technologie moderne, coûtent sans doute plus chers quand ils sont à quai que quand ils naviguent ; et comme disait Giscard, à l’époque : « Un bateau, c’est fait pour naviguer ».

Comme dans les sous-marins, les hautes instances du Commandement ont émis l’hypothèse justifiée d’avoir un deuxième équipage sur le même bateau, pour rentabiliser le matériel et doubler les missions. Mais voilà : il y a un malaise dans le recrutement, on manque de personnel ; l’appel de la mer ne fait plus recette ; on ne se bouscule pas à l’entrée de l’Arsenal, on a des difficultés à trouver des émules parmi cette jeunesse désœuvrée…

Forcément, quelqu’un a formulé l’idée aussi saugrenue qu’extraordinaire de rappeler les réservistes pour servir sur les bateaux d’aujourd’hui. Voilà que des anciens de la Royale, en tenue de souvenirs coriaces, demandent à repartir naviguer ! Ils n’ont pas leur compte de tours d’hélice ! Ils réclament les garde-à-vous sur la plage arrière, l’isolement de la mer, les corvées, l’éloignement des missions, l’adrénaline des postes de combat, des tempêtes à tout faire chavirer ! Ils sont en manque ! Ils veulent cisailler la lame ! Ils veulent quitter l’anonymat du civil, retrouver leur tenue militaire, leur grade, leur spécialité et leur responsabilité de naguère !...

« Nous, on ré-embarquera gratis sur un escorteur, un dragueur ou un ravitailleur, n’importe quoi, pourvu que ça flotte ! La moindre petite bannette suffira ! La vie à terre est tellement monotone, tellement triste et tellement prévisible ! On veut se sentir de nouveau vivant ! On veut remanger, que dis-je, s’empiffrer, croquer encore dans ce gâteau de jouvence ! On veut de l’Aventure, des missions, des frissons ! On veut du soleil dans les yeux et des filles dans chaque port ! On veut des Océans insondables, des sirènes alanguies, des aurores boréales, des îles au trésor ! On veut des vahinés avec des colliers de fleurs, des dauphins accompagnateurs, des furieux horizons enflammés comme seuls véritables décors !

On veut être désorienté, affronter l’Inconnu, traverser l’Immensité liquide avec

la seule signature de notre sillage, fuir la conformité et son cortège de

banalités ! On veut des escales mémorables ! A nous, Diego, Tananarive,

Chandernagor, Valparaiso et consorts ! Aux corvées de charbon, on veut rattraper la chtouille et les morbacs ! Dans nos timbales, on veut trinquer avec du Château la Pompe ! On jouera nos clopes au poker ! Les autres, on les fumera sur la plage arrière ! Rouvrez les bars ! Rallumez Chicag ! Allez réveiller Miquette et ses copines ! On veut du rab de cette jeunesse qui nous a trop vite glissé entre les doigts !... »

Quand on a navigué, il y a toujours une part de nous qui flotte encore quelque part, sur la mer ; les nuages du côté de l’horizon, les coucher de soleil, les embruns sur le brise-lame, les mouettes accrochées au sillage, les étoiles du firmament en grande parade nocturne, c’est collé en nous comme une affiche de voyage intime.

Avoir le pied marin, c’est danser avec les vagues et, avant de glisser sous la terre, on voudrait encore une fois tanguer et rouler dans les lames les plus rebelles pour croire qu’on est encore capables de les dompter.

On voudrait retrouver nos rêves, ceux qu’on a laissé filer, jadis, entre les mailles du bastingage ; on en allumera d’autres, tout aussi extraordinaires, tout aussi extravagants, tout aussi utopiques car, la vraie Liberté, c’est celle de nos

rêves…

D’ici, j’entends déjà les questionnements inquiets : « Où faut-il signer ? »

« Donnez-m ’en pour dix ans ! Non, pour vingt ! Mieux ! Perpète !... » « Est-ce

qu’on peut emporter nos médicaments avec nous ?... » « A qui est-ce qu’on laisse nos ordonnances ?... » « Est-ce qu’ils prennent ceux qui ont un déambulateur ?... » « Et les insuffisants rénaux ?... » « Et les cardiaques ?... » « Et tous les autres ?... » « Faudra prévoir des ascenseurs pour les compartiments de la Machine !... » « Installez-nous au moins autant de défibrillateurs qu’il y a d’extincteurs !... » « Des menus diététiques à la cafétéria !... » « Des siestes !... » « C’est quand, qu’on largue les amarres ?... » « Une fois que je serai monté à bord, j’oublierai mes rhumatismes et je n’en descendrai plus jamais... »

Seulement, il faut se rendre au port de l’Evidence. La technologie a évolué et nous ne sommes pas adaptés à tout ce modernisme ; CQFD.

Moi, je ne voudrais naviguer que sur mon bateau mais il est disloqué par quatre

milles mètres de fond ; aujourd’hui, je suis comme lui, rouillé, déglingué,

concassé par le poids du temps qui passe. Et puis, ça me ferait quelque chose de poser ma bâche sur mes cheveux blancs, devant le monde ; j’aurais l’impression de ne plus être en couleur sur les photos, comme un fantôme engourdi vautré sur le négatif. Au garde-à-vous tricolore, mon col bleu aurait un mauvais pli, je serais immanquablement saucissonné dans ma tenue blanche et mon pompon rouge aurait des flamboyances de flétrissure…

Nous, les Anciens, si nous n’avons pas le devoir de réserve, il nous reste le devoir du Souvenir ; il vaut mieux nous contenter des commémos, des médailles et des drapeaux ; devant les mausolées et autres monuments, avec des gerbes et des discours, on a de quoi nous recueillir en nous rappelant nos disparus. Après avoir levé nos oriflammes, on lève le coude en partage, et nos quelques rires sont des coups de soleil redorant d’éclats inaltérables nos célébrations annuelles. Sur nos fiers bateaux, nous avons tous honoré notre engagement, comme des héros anonymes. C’est pour cela qu’on aime bien se retrouver entre nous ; on parle de ce passé grandiose et, même si nos rangs se resserrent, même si notre mémoire fait relâche, on a tous dans nos larmes salées de vieillesse, les embruns toujours pétillants de ce Passé glorieux…

 



23/06/2018
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